HISTOIRE :


Hobbycar est né de la rencontre de 2 hommes: François Wardavoir pour l'idée et de Serge Desmarais pour le financement du projet. Certainement le plus grand concentré de technologie dans un véhicule de cette dimension à l'époque. Le B612A est la version haut de gamme. Une soixantaine de ces engins auront été fabriqués dans l'usine de Thenay dans le Loir et Cher.

Ce véhicule cumule les fonctions de 4x4, de bateau et de décapotable. Reste à trouver des clients pour ce très cher joujou.

Vous en avez rêvé, ils l'ont fait! La société Hobbycar vient de lancer la fabrication en série d'un véhicule amphibie. A l'origine de ce projet, François Wardavoir, un ancien ingénieur de chez Renault Formule 1. Son mécène: Serge Desmarais. Cet ami financier a misé 67 millions de francs (sur les 100 millions de capital de la société) sur ces jouets pour adultes fortunés. La première maquette à l'échelle1 a été présentée au Mondial de l'automobile 1990. Face à l'engouement suscité, tout est allé très vite. Création de la société en décembre de la même année. Sortie d'un prototype en janvier 1993. Premières livraisons début 1994.

150 kilomètres/heure sur circuit

Ce véhicule cumule les fonctions d'une décapotable, d'un 4x4 et d'un bateau. Il est équipé d'un moteur Peugeot turbo diesel de 1900centimètres cubes qui lui permet d'atteindre 150kilomètres/heure en vitesse de pointe sur circuit. En tout-terrain, une suspension Citroèn hydropneumatique lui permet de franchir les obstacles en modifiant sa garde au sol de 12 à 30 centimètres. Pour se sortir des ornières des chemins creux, une transmission intégrale permanente par viscocoupleur répartit judicieusement le couple sur les quatre roues motrices. Permettre à cet engin de flotter sans rouiller restait la tâche la plus difficile à accomplir. Première priorité: le rendre étanche. "Nous avons choisi de doter notre véhicule d'une double coque en époxy fibre de verre et Kevlar-carbone qui renferme un châssis mécanosoudé en acier inox, explique Serge Desmarais. Il s'agit ensuite de compenser le poids de l'ensemble par une flottabilité accrue. Celle-ci est obtenue en bourrant le moindre recoin par de la mousse." Deuxième obligation: s'affranchir des problèmes liés à l'eau -même salée, parce que l'Hobbycar combine les homologations fluviale et maritime. Le moteur est mis à l'abri des éclaboussures dans un compartiment étanche. En revanche, les transmissions et les ponts baignent dans l'eau. Les uns comme les autres sont "traités marine" (ils sont entièrement revêtus d'une peinture étanche) pour résister aux attaques de l'eau.

Dans l'eau, un simple "joystick" remplace le volant

Pour le reste, ce véhicule s'apparente totalement à un bateau. Dès sa rentrée dans l'eau, un simple "joystick" remplace le volant. Les sièges inoccupés se ferment hermétiquement, et deux hydrojets directifs d'une poussée de 150 kilos le propulsent à plus de 6noeuds. Des pompes de cale peuvent même se mettre automatiquement en marche en cas de besoin. Mais bien d'autres problèmes ont dû être résolus par les ingénieurs d'Hobbycar. Il a notamment fallu étudier tout particulièrement le refroidissement du moteur dans son caisson étanche. Sur le plan du circuit électrique, la moindre connexion doit être protégée de l'eau à 100%. Cette conception particulière a gonflé le prix du véhicule. Et le commun des mortels devra se contenter de rêver devant un tel joujou. "Nous démarchons les propriétaires de yacht de plus de 40 mètres, révèle sereinement Serge Desmarais. Pour 380000 francs, ils disposent ainsi d'un bateau et d'une auto." Pour élargir cette clientèle somme toute limitée, Hobbycar mise sur les administrations. La société vient de développer une version pour l'armée, la protection civile ou les pompiers. "Pour un secours en mer, les sauveteurs perdent en moyenne sept minutes pour mettre leur Zodiac à l'eau, argumente Serge Desmarais. Avec notre véhicule, c'est immédiat. Il pourrait également rendre de grands services lors d'inondations." D'autres projets sont en train de voir le jour: le Passport, un luxueux monospace à 250000 francs, sera livré dès le 1er octobre 1994. Sa production devrait atteindre les 1200 unités par an dès 1995. Et l'imagination de la société est loin d'être tarie. D'autres produits devraient suivre, au rythme des lettres de l'alphabet. Après le "A", pour amphibie, le "B", pour berline monospace, un coupé avec la lettre "C" en 1996, le modèle "E" sera électrique...


Ne rien fabriquer, se contenter d'assembler

Pour produire ces petits bijoux, la société Hobbycar dispose d'une magnifique usine dans un complexe qui s'étend sur plus de 30 hectares, à Thenay, un petit village près de Blois. "Nous avons choisi cette région notamment à cause de son tissu de sous-traitants de l'automobile", avoue Serge Desmarais. Car la société Hobbycar ne fabrique rien! Elle se contente d'assembler des composants en provenance d'une multitude de fournisseurs. Elle dispose seulement d'une ligne de peinture pour "traiter marine" la majorité des composants mécaniques de son véhicule. Elle emploie ainsi 45 personnes dans ses ateliers, pour une production de neuf Hobbycar par semaine. Mais plus de 35 personnes planchent dans les bureaux d'études, de recherche-développement et aux essais.

Usine Nouvelle N° 2466

La trêve des confiseurs aura été fatale au dernier-né des constructeurs automobiles français. La société Hobbycar, créée en décembre 1990, qui emploie 93 personnes sur son unique site de production de Thenay (Loir-et-Cher) vient en effet d'être mise en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Blois. Un délai de grâce de trois semaines (jusqu'au 20 janvier) lui a cependant été accordé, à charge pour Me Buisson, l'administrateur nommé dans la foulée, de dénicher un éventuel repreneur.
 
Pour Serge Desmarais, le PDG d'Hobbycar, et son principal actionnaire à hauteur de 66 % via une filiale de la Financière Desmarais _ 30 % sont détenus par Tuxford, un pool d'investisseurs irlandais_, ce coup d'arrêt n'est pas totalement une surprise. Il s'explique essentiellement par le retard pris dans la mise au point des prototypes de présérie du premier modèle de la société, un véhicule amphibie tout terrain. « Aujourd'hui, les problèmes techniques rencontrés notamment au niveau de la température du moteur turbo ont été totalement jugulés, observe Serges Desmarais. Mais ces difficultés nous ont coûté dix mois de production et de commercialisation. »

Un monospace en cours d'homologation 

Ainsi, à ce jour, seule une cinquantaine d'« Hobbycar » a été vendue (au prix hors taxes de 332.000 francs), essentiellement en Afrique du Nord et dans les pays du Golfe, les propriétaires de yachts étant particulièrement visés. « Cela reste bien en deçà des potentialités de ce produit de petite diffusion », souligne Serge Desmarais, qui indique que l'usine de Thenay, « faiblement robotisée mais disposant d'un savoir-faire de grande qualité », s'est fixée pour ce véhicule un seuil de production d'une centaine d'unités par an. Rien d'étonnant donc que cette « start-up », qui a investi près de 150 millions de francs dans son outil de production via de multiples augmentations de capital, accuse aujourd'hui un passif de l'ordre de 18 millions de francs, pour un chiffre d'affaires non significatif de 8 millions. 
Désireux de diversifier sa production, Hobbycar a d'autre part mis au point un modèle de monospace présenté en octobre dernier. Aujourd'hui en cours d'homologation par les Mines _ cette étape devrait être franchie en avril prochain _, ce véhicule commercialisé au prix de 280.000 francs hors taxes devrait être produit au rythme de 1.100/1.200 unités par an à l'horizon 1996. Hobbycar conçoit également la version utilitaire de son véhicule amphibie, le Cortex, destiné au service de la Protection civile. Un prototype de ce véhicule a d'ailleurs été présenté lors du Salon Euronavale 94.

En attendant, Serge Desmarais, qui affirme avoir épuisé les possibilités de partenariat avec les banques, multiplie les contacts avec les constructeurs automobiles européens. Certes, le temps lui est compté, mais le PDG d'Hobbycar n'exclut pas une éventuelle solution de reprise après que la liquidation de la société aura été prononcée.

 François-Xavier Beuzon (1994 - Les Echos N° 16803)